Réchauffement climatique : déjà trop tard ?
 

 

Réchauffement climatique : déjà trop tard ?
Les climatologues sont très inquiets... et nous devrions l’être aussi! Un compte rendu fidèle des dernières avancées de la recherche sur le réchauffement climatique, publiées dans les très sérieuses revues scientifiques Nature et Science.

 

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Source: Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), 2001

Le 7 juin 2005, les Académies des sciences des pays du G8, de Chine, d’Inde et du Brésil ont solennellement publié une déclaration commune[1] sur le réchauffement climatique dans laquelle elles nous préviennent qu’un important réchauffement climatique de la planète est en cours et qu’il est provoqué par les activités humaines. Dans cette déclaration, les Académies des sciences affirment que ce réchauffement constitue une grave menace pour l’humanité et pressent les gouvernements de prendre d’urgence des mesures d’envergure pour réduire de manière substantielle les émissions de gaz à effet de serre.

Pourquoi onze Académies des sciences ont-elles publié une telle déclaration commune?

La réponse, hélas, est à la fois simple et grave: les avertissements répétés de la communauté scientifique sur l’extrême gravité du réchauffement climatique ne sont jusqu’à présent parvenus jusqu’à l’opinion publique que sous une forme atténuée et déformée par les médias et les lobbies pétroliers. Or la menace se précise et le temps presse...

Certes, tout le monde a entendu parler du réchauffement climatique. Même Hollywood s’en est emparé, le transformant malencontreusement au passage en refroidissement climatique. Mais ce qu’il est important de savoir, c’est que les climatologues sont furieux de la manière dont les médias ont couvert le sujet depuis une quinzaine d’années[2]. Et ils ont de bonnes raisons de l’être. En effet, plusieurs études scientifiques[3] ont démontré que depuis 1988, la presse, notamment américaine, a systématiquement biaisé la couverture médiatique en faveur de détracteurs du réchauffement climatique en leur accordant une couverture disproportionnée, créant ainsi une grande confusion dans l’opinion publique. La même constatation s’applique aux médias de l’audio-visuel. À la source de cette désinformation maintenant bien documentée[4], on trouve de puissants lobbies pétroliers, menés par le groupe ExxonMobil (propriétaire des marques Esso et Mobil), qui ont mis en oeuvre des moyens financiers considérables pour désinformer les médias sur le réchauffement climatique et pour s’opposer au Protocole de Kyoto. Leur technique: mettre constamment à disposition des journalistes les 2% de climatologues subventionnés par ExxonMobil qui doutent de l’origine anthropique du réchauffement climatique. Leur objectif: obtenir une couverture médiatique grand public supérieure à celle des 98% de climatologues sérieux et indépendants. Cet objectif a malheureusement été atteint, donnant ainsi l’impression au public que les scientifiques étaient divisés sur la réalité du réchauffement climatique, alors que ce n’était pas du tout le cas!

Cette désinformation réussie a ainsi produit un décalage saisissant entre, d’un côté, la communauté scientifique qui s’alarme de plus en plus des conséquences du réchauffement climatique et surtout du risque d’emballement irréversible du climat et, de l’autre côté, une opinion publique qui doute encore de la réalité du phénomène et ignore presque tout de ses conséquences.

L’année 2005, heureusement, pourrait enfin avoir marqué le début d’une prise de conscience de l’opinion publique, notamment aux États-Unis. Les ouragans à répétition et la terrible catastrophe de La Nouvelle-Orléans y sont sans doute pour quelque chose. Les médias commencent enfin à prendre le réchauffement climatique plus au sérieux, mais semblent toujours aussi incapables de rendre compte du phénomène dans sa globalité et surtout de prendre la mesure de ses conséquences proprement cataclysmiques à long terme.

Et pourtant, le réchauffement climatique et ses conséquences peuvent être expliqués clairement.

L’ÉTAT DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES

Depuis le début de l’ère industrielle, en brûlant des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) l’humanité a relâché d’énormes quantités de CO2 (dioxyde de carbone) dans l’atmosphère, faisant passer sa concentration de 250 ppm à 379 ppm (ppm signifie parties par million, autrement dit 10.000 ppm = 1%), soit une augmentation de 50 % (cf. figure 1) et une concentration jamais atteinte depuis au moins 420 000 ans, probablement même depuis la fin du Paléocène, il y a 55 millions d’années[5]. Or ce gaz est l’un des principaux contributeurs de l’effet de serre qui réchauffe notre planète. Jusqu’à présent, l’élévation de température a été minime, de l’ordre de 0,8 °C, parce que les océans ont absorbé la moitié du CO2 émis et parce que leur inertie thermique a freiné le réchauffement.

Les choses, hélas, sont en train de changer. Le CO2 relâché dans l’atmosphère en grande quantité au XXe siècle y demeurera environ 100 ans, durant lesquels il réchauffera continûment la planète. Il est établi que cette accumulation de CO2 provoquera une élévation de température au cours des prochaines décennies, et ceci même si par enchantement nous arrêtions instantanément de brûler des énergies fossiles[6]. Le réchauffement climatique est donc malheureusement devenu inévitable. Mais ce qui déterminera notre destin (et notre survie), c’est son ampleur et sa rapidité, lesquelles dépendront essentiellement de notre aptitude (ou inaptitude) à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire dans les deux ou trois décennies à venir (période pendant laquelle la consommation mondiale d’énergie devrait croître de 60%!).

 

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Figure 2
Source: Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), 2001

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’instance scientifique de référence sur le changement climatique regroupant plusieurs centaines d’experts scientifiques de plus de 100 pays, publie tous les cinq à six ans un rapport complet faisant la synthèse des connaissances scientifiques sur l’évolution du climat. Le dernier rapport a été publié en 2001. Le prochain est prévu pour 2007. Le rapport de 2001 prédisait une augmentation de la température moyenne à la surface de la Terre comprise entre 1,4 °C et 5,8 °C au cours du XXIe siècle (cf. figure 2), le bas de la fourchette correspondant à des scénarios (trop?) optimistes selon lesquels des mesures de grande envergure seraient prises à l’échelle mondiale dans les prochaines années. Les prévisions du GIEC s’arrêtent en 2100, mais le réchauffement se poursuivra bien au-delà.

Une augmentation de température de quelques degrés peut sembler inoffensive, mais elle correspondrait en réalité à un changement climatique majeur. N’oublions pas qu’il y a 21 000 ans, alors que les deux tiers de l’Europe et de l’Amérique du Nord étaient recouverts de glaciers de deux à trois kilomètres d’épaisseur et que le niveau des mers était 120 mètres plus bas que de nos jours, la température moyenne de l’air à la surface de la Terre n’était inférieure que de 5 °C à celle d’aujourd’hui. Une augmentation de la température moyenne de 5 °C au cours du XXIe siècle - c’est-à-dire celle prédite par les experts du climat - conduirait à un changement climatique de la même ampleur que celui de la dernière période glaciaire à aujourd’hui... un saut climatique suffisant pour rendre la majeure partie de la Terre inhabitable!

Le tableau peint par le rapport de 2001 était déjà alarmant. Depuis, la science du climat, dotée de moyens techniques et financiers exceptionnels, a continué de progresser. Et, il faut bien le dire, les résultats récents sont très inquiétants car ils sous-entendent que l’ampleur et la rapidité du réchauffement climatique, ainsi que le risque d’emballement irréversible du climat, auraient été sous-estimés[7]. Les scientifiques sont en effet convaincus qu’il existe des seuils, appelés points de basculement (tipping points en anglais), au-delà desquels le climat bascule de manière irréversible et rapide vers un nouvel état très différent du précédent. À la lumière des derniers résultats scientifiques les experts du climat redoutent que certains de ces points de basculement ne viennent d’être franchis ou ne le soient bientôt. Les principaux domaines d’inquiétude sont les suivants:

1 - Récemment, les scientifiques ont découvert qu’un phénomène appelé global dimming en anglais - une diminution importante de l’ensoleillement due à l’interaction de suies d’origine industrielle avec les nuages - tendant à refroidir la Terre avait été largement sous-estimé. De 1960 à 1990, ce phénomène refroidissant a probablement masqué la moitié du réchauffement dû aux gaz à effet de serre, conduisant les scientifiques à sérieusement sous-estimer l’ampleur du réchauffement climatique. Ce phénomène refroidissant tend à diminuer depuis 1990 parce que l’industrie utilise des technologies moins polluantes et parce que les suies ont une durée de vie dans l’atmosphère bien inférieure à celle des gaz à effet de serre. Compte tenu de ce phénomène de global dimming, les prédictions de réchauffement climatique du GIEC de 2001 devront être revues à la hausse. Selon certaines simulations informatiques, la température à la surface de la Terre pourrait augmenter non pas de 5,8°C mais de 10°C au cours du XXIe siècle[8, de quoi rendre la quasi-totalité de la Terre inhabitable.

2 - Tous les modèles climatiques informatiques prédisent que le réchauffement climatique touchera plus fortement les régions polaires. Dans ces régions, l’élévation de la température sera environ le double de l’augmentation moyenne à la surface de la planète[6,9,10. Cette évolution est malheureusement confirmée sur le terrain par un récent rapport[11] de la NASA et du National Snow and Ice Data Center (NSIDC) qui révèle que l’étendue de la banquise du pôle Nord n’a jamais été aussi réduite depuis plus d’un siècle. En septembre 2005, la superficie de la banquise arctique était de 25 % inférieure à celle qu’elle avait en moyenne dans les années 1980. L’étendue de la fonte de la banquise est telle qu’un point de non-retour a probablement été atteint[12]. En effet, les eaux sombres non recouvertes de glace de l’Océan Arctique absorbent bien davantage la lumière solaire que la très réfléchissante banquise. Ainsi, plus la banquise se réduit, plus l’Océan Arctique se réchauffe rapidement, accélérant ainsi la fonte du reste de la banquise, et ainsi de suite... Ce cercle vicieux, en langage scientifique une rétroaction positive, pourrait conduire à une disparition totale de la banquise en été vers 2070, ce qui ne s’est plus produit depuis plus d’un million d’années!

3 - L’océan Arctique n’est pas la seule région froide qui inquiète les experts du climat. Des résultats scientifiques récents[13,14] confirment que les régions continentales proches de l’océan Arctique se réchauffent également à un rythme accéléré. Ici aussi des rétroactions positives sont à l’oeuvre. Le réchauffement réduit l’étendue de la couverture neigeuse, la remplaçant par une couverture végétale qui absorbe davantage l’énergie solaire, amplifiant ainsi le réchauffement local[14]. Le réchauffement continental arctique à un autre effet pervers: en faisant fondre le permafrost (le sol gelé en profondeur sur des centaines de mètres) il libère d’énormes quantités de méthane - un gaz à effet de serre 21 fois plus puissant que le CO2 - qui y étaient piégées depuis des milliers d’années. Des chercheurs ont ainsi récemment constaté qu’une superficie d’un million de kilomètres carrés - soit la superficie de la France et de l’Allemagne - de permafrost en Sibérie occidentale a commencé à fondre pour la première fois depuis sa formation il y a 11 000 ans à la fin de la dernière période glaciaire[13].

4 - Les calottes polaires du Groenland et de la partie Ouest de l’Antarctique sont également gravement menacées. Les climatologues nous alertent depuis longtemps que la calotte de glace recouvrant tout le Groenland est particulièrement vulnérable[10,15,16]. Mais ils ont été très surpris et alarmés durant l’été 2004 quand ils ont constaté que les bords de cette calotte fondaient dix fois plus vite que prévu[17]. Or la fonte des glaces situées sur la terre ferme, à la différence de celles qui flottent sur l’océan, a pour effet de faire monter le niveau des mers. La fonte de toute la calotte groenlandaise entraînerait une élévation du niveau des mers de 7 mètres, suffisante par exemple pour rendre inhabitables toutes les villes côtières de la planète, dont Londres, Venise, Calcutta, New York et Tokyo pour n’en citer que quelques-unes. La fonte de l’intégralité de la calotte glaciaire groenlandaise prendra vraisemblablement plusieurs siècles, mais toutes les simulations informatiques s’accordent à prédire que le processus de fonte, une fois engagé, ne pourra plus être arrêté et qu’il continuera inéluctablement jusqu’à la disparition quasi-totale de la calotte groenlandaise. Le réchauffement de l’Océan Arctique voisin devrait aussi contribuer à accélérer ce processus de fonte[10]. Quant à la calotte glaciaire antarctique, si elle fondait entièrement, elle entraînerait une élévation du niveau des mers de 60 mètres. Heureusement, la majeure partie de cette calotte se trouve dans des régions où la température reste largement en dessous de 0 °C toute l’année. Dans ces régions une fonte de la calotte glaciaire est improbable au cours du XXIe siècle. Par contre, la calotte glaciaire de la partie Ouest de l’Antarctique inquiète les scientifiques: au cours des 10 à 15 dernières années, elle s’est déplacée vers la mer à un rythme accéléré qui semble être dû au réchauffement climatique. La fonte de la partie Ouest de la calotte glaciaire antarctique élèverait le niveau des mers d’environ 5 mètres supplémentaires[18].

5 - Un autre grave point d’inquiétude concerne la forêt amazonienne. Plusieurs résultats scientifiques[15,19,20] récents amènent à penser que le réchauffement climatique devrait s’accompagner d’une réduction suffisamment importante des précipitations sur le bassin amazonien pour provoquer une multiplication des feux de forêt et la transformation progressive de la forêt amazonienne en savane ou en semi-désert à l’horizon 2050. Si ce scénario devait devenir réalité, une énorme quantité de carbone - l’équivalent de tout le CO2 émis par l’humanité au cours du XXe siècle - actuellement piégée sous forme de bois serait libérée dans l’atmosphère sous forme de CO2. Ce relâchement massif accélèrerait tragiquement le réchauffement climatique.

6 - Les experts du climat redoutent également, en raison de l’élévation globale de la température, que les puits de carbone naturels que sont les océans et la végétation ne deviennent moins efficaces, voire à terme qu’ils s’inversent et se transforment en sources de carbone[15,21]. Contrairement à une croyance populaire tenace, dans un monde plus chaud, la végétation absorbera moins de CO2 que dans notre monde d’aujourd’hui[22]. Certains scientifiques, à la lumière des augmentations anormalement élevées et inexpliquées du taux de CO2 dans l’atmosphère en 2002 et 2003, se demandent même si un tel phénomène n’aurait pas déjà commencé[23].

7 - Et comme si tout cela ne suffisait pas, il existe une menace encore plus grave pour le climat de la planète. Elle se trouve au fond des océans où des quantités colossales de méthane - estimées à 10 000 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de plus du double des réserves mondiales de charbon, pétrole et gaz naturel - sont stockées sous forme d’hydrates de méthane. Le méthane est un gaz qui provoque un effet de serre 21 fois supérieur à celui du CO2. Ces hydrates de méthane, qui ont l’aspect de la neige, ne restent stables que sous de fortes pressions et à basses températures. Une élévation de la température des couches profondes des océans de plusieurs degrés suffirait à les déstabiliser, déclenchant une spirale infernale dans laquelle le méthane libéré renforcerait l’effet de serre, ce qui libèrerait davantage de méthane et ainsi de suite[13,15]. Une telle spirale rendrait la terre quasi inhabitable.
Improbable, pensez-vous! Pas tant que ça. Les scientifiques savent qu’un tel événement s’est déjà produit au moins à deux reprises, il y a 250 millions et 55 millions d’années, causant respectivement l’extinction de 95 % et 90 % des espèces vivantes. À titre de comparaison, la météorite géante (ou la super-éruption volcanique selon une autre théorie) qui a provoqué la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années a été relativement bénigne puisqu’elle n’a causé l’extinction que de 60 % des espèces.
Le Professeur Sir David King, premier conseiller scientifique du gouvernement britannique et expert du climat, faisait allusion au réchauffement climatique catastrophique d’il y a 55 millions d’années lorsqu’il déclarait devant la Chambre des Lords, le 1er mars 2004, que «l’Antarctique était le meilleur endroit où vivre à l’époque. Il y faisait relativement chaud par rapport à la Terre d’aujourd’hui, mais le reste du monde était inhabitable » (Original: «the Antarctic was the best place to be at that time.
That was relatively hot compared to most of the world today, but the rest of the world was uninhabitable»[5]).
Il a aussi souligné, le 27 avril 2004, que les conditions qui prévalaient alors - un niveau de CO2 de 1000 ppm et la disparition de la glace de la surface de la Terre - pourraient exister à nouveau en 2100[25].
Vous vous dites peut-être qu’au moins le réchauffement des couches profondes de l’océan devrait prendre très longtemps! Hélas, pas nécessairement. En quelques décennies le réchauffement climatique pourrait changer la circulation océanique, réchauffer certaines couches profondes de l’océan et déstabiliser des hydrates de méthane. L’un des courants océaniques les plus vulnérables est le Gulf Stream dans l’Atlantique Nord. Or, justement, des mesures scientifiques récentes (encore à confirmer) montrent que le Gulf Stream pourrait avoir perdu 30% de son intensité au cours des 50 dernières années[26]. Même si ces mesures ne sont pas très fiables car trop limitées en nombre, c’est un bien mauvais signe. D’autant plus que d’autres résultats récents révèlent que le dernier dégazage massif d’hydrates de méthane il y a 55 millions d’années (voir ci-dessus) a été déclenché par un inversion soudaine et complète de la circulation océanique, elle-même causée par un réchauffement climatique par gaz à effet de serre d’origine volcanique[27]. Malheureusement pour nous, la quantité de gaz à effet de serre d’origine humaine émise depuis deux siècles se rapproche dangereusement de celle qui déclencha ce réchauffement climatique cataclysmique il y a 55 millions d’années[27]. Espérons que les mêmes causes n’auront pas les mêmes effets...

LA PRISE DE CONSCIENCE DES DIRIGEANTS MONDIAUX

La plupart des dirigeants mondiaux, alertés par leurs conseillers scientifiques, semblent avoir pris conscience du fait que le réchauffement climatique représente une menace sans précédent pour l’humanité et qu’il y a urgence à agir.

Il y a, bien sûr, une exception notable: l’administration Bush continue à nier l’origine anthropique du réchauffement climatique, alors même que l’Académie des sciences américaine et tous les comités scientifiques américains et mondiaux les plus réputés affirment unanimement que le doute n’est plus permis[1,2].

L’Europe et le Japon sont en pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les dirigeants européens ont déjà entrepris des efforts méritoires pour sensibiliser leur opinion publique, sans le soutien de laquelle aucune mesure d’envergure ne sera possible[28]. Car il est clair maintenant qu’il faudra aller bien au-delà des engagements de Kyoto pour ralentir le réchauffement climatique et pour éviter qu’il ne s’emballe[5,19]. Le premier ministre britannique Tony Blair a placé le réchauffement climatique au centre des discussions du G8 en juillet 2005. Pour convaincre ses partenaires il s’est appuyé sur un récent rapport[19] de l’International Climate Change Taskforce composée de scientifiques réputés et de politiciens de premier plan, et fondée à l’initiative de trois prestigieux think tanks américain, britannique et australien. Ce rapport préconise que des mesures d’envergure soient prises pour éviter à tout prix que l’élévation de température depuis l’ère préindustrielle ne dépasse 2°C (soit 1,2°C de plus que les températures actuelles), niveau au-delà duquel les conséquences du réchauffement climatique deviendraient catastrophiques. Afin d’atteindre cet objectif, les pays développés devront réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 60% dans les toutes prochaines décennies et les pays émergents devront aussi réduire leurs émissions dans des proportions moindres mais quand même très ambitieuses[19]. Il est d’ailleurs probable que ces chiffres sous-estiment l’effort nécessaire. D’autres sources considèrent qu’il faudrait réduire les émissions humaines à l’échelle planétaire de 80% d’ici 2030 pour éviter un désastre écologique dû au réchauffement climatique[29]. Le rapport insiste sur l’effort considérable de recherche et de développement devant être engagé dans les domaines de la production d’énergie propre - c’est-à-dire émettant peu ou pas de CO2 - et de la réduction de la consommation énergétique, et exhorte à un doublement des investissements des pays du G8 dans ces domaines d’ici 2010.

Les dirigeants politiques ne sont pas les seuls à avoir compris l’importance du réchauffement climatique. De plus en plus d’entreprises, d’institutions financières et d’investisseurs sont en train de prendre conscience du fait que le réchauffement climatique et la lutte contre celui-ci vont imposer à nos sociétés de s’adapter rapidement et qu’il convient d’anticiper ces changements[29,30].

Finalement, ce sont les citoyens qui par manque d’information ont le moins réalisé l’ampleur de la menace que représente le réchauffement climatique. Les efforts systématiques de désinformation du lobby pétrolier, tout particulièrement ceux bien documentés de la société Exxon Mobil, auprès des médias y sont certainement pour beaucoup[3,4]. Pour l’anecdote, selon le magazine The Economist, le PDG d’ExxonMobil qui vient juste de prendre sa retraite, Lee Raymond, affirmait ouvertement, il y a seulement quelques années, que le réchauffement climatique n’était qu’un gigantesque canular (en anglais: «global warming is a giant hoax »)[31]. Ce n’est que tout récemment qu’ExxonMobil a enfin admis la réalité du réchauffement climatique31.

Or, sans une prise de conscience majeure dans l’opinion publique, rien ne se fera. Car les mesures à prendre pour lutter contre le réchauffement climatique auront bien sûr un coût (même si ne rien faire coûtera à terme infiniment plus cher) et elle réduiront notre qualité de vie. Aucun chef de gouvernement ne prendra de telles mesures sans s’être assuré du soutien d’une partie de l’opinion. Pour le moment, ce thème étant complètement absent de toute élection politique, nous en sommes hélas encore bien loin...

Toutefois, l’on peut raisonnablement espérer que l’accumulation de preuves scientifiques et la fréquence accrue d’événements météorologiques extrêmes (vagues de chaleur, ouragans, sécheresses) finiront par convaincre l’opinion publique de l’urgence à agir. Espérons seulement qu’alors il ne sera pas trop tard...

CONCLUSION

Alors, est-il trop tard pour agir?

James Lovelock[10], le pionnier de la climatologie moderne et le premier à comprendre dès les années 1970 comment la biosphère (qu’il nomma Gaia) autorégule le climat planétaire, compare le réchauffement climatique actuel à la situation d’une maison en bois dans laquelle on aurait fait un feu pour se réchauffer, sans remarquer que le feu a commencé à se propager au mobilier. Quand cela se produit, il reste très peu de temps pour éteindre l’incendie avant qu’il ne se propage à toute la maison. Le réchauffement climatique, comme un feu, est en train d’accélérer et il ne reste que très peu de temps pour agir. Peut-être est-il déjà trop tard, mais nous ne pouvons en avoir la certitude.

En tant que citoyen responsable, nous devrions nous demander quel regard les générations futures jetteront sur nous. Si nous n’agissons pas rapidement et de manière décisive pour enrayer le réchauffement climatique, il est certain qu’elles nous maudiront. Les générations précédentes sont tout aussi responsables que nous du réchauffement climatique, mais on ne peut guère le leur reprocher, elles ignoraient l’existence du phénomène. Les prochaines générations auront sûrement la volonté d’agir, mais les scientifiques nous disent qu’alors il sera trop tard. La responsabilité historique qui nous incombe est écrasante. Si nous n’agissons pas, les générations futures diront de nous: «Ils savaient. Et ils n’ont rien fait!

 

Source http://climat.canalblog.com/ et http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=7304