La Niña s'est
installée dans l'océan Pacfique. Mais qu'est
ce que ce phénomène et quelles répercussions
a-t-il sur notre climat ? Nous avons posé la
question à Jean-François Guérémy, chercheur
en climatologie à Météo France.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est la Niña
?
Jean-François Guérémy : La Niña est
l'inverse d'une manifestation climatique
plus connue du grand public, el Niño. Elle
résulte des interactions entre océan et
atmosphère. La Niña correspond à
l'apparition de températures anormalement
froides au niveau de l'océan Pacifique Est
équatorial. Cette anomalie est associée au
renforcement des vents alizés : cet air
déplace l'eau chaude en surface, produisant
des mouvements verticaux qui font remonter
plus d'eau froide des profondeurs.
Depuis combien de temps étudiez-vous ce
phénomène ?
Cela fait maintenant un siècle que sont
recueillies des données précises sur les
associations entre la Niña et el Niño. Nous
avons calculé qu'il existait un certain
couplage entre les deux phénomènes dont le
cycle approximatif est de 7 ans.
"La Niña peut s'accompagner de
manifestations climatiques telles que les
cyclones. © NASA"
Quelles sont les manifestations de la Niña
d'un point de vue climatique ?
Son impact se fait sentir sur l'ensemble du
globe, mais plus particulièrement dans les
régions du Pacifique et régions tropicales.
L'apparition de la Niña induit des
températures plus froides au niveau du
Pacifique Est et des baisses de
précipitations. A l'inverse, dans le
Pacifique Ouest, les températures sont plus
chaudes et les pluies plus abondantes.Tout
cela explique les pluies importantes qui
peuvent survenir parfois en Indonésie et
Papouasie et les vagues de froid en Amérique
du Nord.
Pour ce qui concerne ses répercussions sur
le climat européen, la Niña agit sur le
phénomène d'oscillation Nord-Atlantique, (ou
NAO pour North Atlantic Oscillation). Cette
dernière représente l'opposition existant
entre la haute pression au niveau de la
péninsule ibérique, appelée classiquement
l'anticyclone des Açores, et la basse
pression en région subpolaire, la dépression
d'Islande.
Sous l'effet de la Niña, la pression
atmosphérique s'accroît, et l'indice NAO
devient positif. L'anticyclone des Açores
est alors renforcé et la dépression
d'Islande est accrue. Il en résulte une
augmentation de la température dans nos mois
d'hiver (décembre, janvier et février).
C'est ce qui explique que les températures
de l'hiver dernier, notamment en janvier,
étaient au dessus des normales de saison.
La Niña s'est installée depuis l'été dernier
: le phénomène va-t-il perdurer ?
Nous pensons que le système reviendra dans
des conditions normales d'ici à la fin de
l'été. En attendant, la Niña est toujours
présente dans le Pacifique, ce qui va
induire une baisse moyenne de 1°C sous cette
latitude. En Europe, nous prévoyons pour les
mois d'avril, de mai et de juin des
températures supérieures aux moyennes
saisonnières.
Quel pourrait être l'évolution de ce
phénomène à plus long terme dans une
perspective de réchauffement climatique
global ?
Dans le cadre du réchauffement climatique,
sur une période de 100 à 150 ans, nous
pensons que le cycle d'alternance el Niño et
la Niña continuera d'exister. Cependant, il
y aura une prédominance de configuration de
températures relatives à el Niño plus
importante, c'est-à-dire à l'inverse des
conditions observées aujourd'hui.
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