Synoptique et thermique des vagues de froid
Dynamisme des vagues de froid
Les principales vagues de froid, en tant qu’événements exceptionnels en durée et en intensité, trouvent leur origine dans le bouleversement de la circulation atmosphérique à grande échelle, qui se traduit par des modifications notables du comportement des centres d’action atmosphérique. Il s’agit en l’occurrence de la dépression d’Islande et de l’anticyclone des Açores, qui dirigent la circulation atmosphérique non seulement sur l’océan Atlantique, mais aussi sur une partie importante du continent européen et qui exercent une influence notable sur les ondes de pression au niveau hémisphérique.
A ces centres d’action dynamique il faut ajouter les anticyclones d’origine thermique (à existence saisonnière). C’est le cas de l’anticyclone de Sibérie qui envoie parfois des prolongements sous forme de dorsales jusqu’en Europe Centrale et du Nord. Souvent un anticyclone thermique se développe sur la Scandinavie, ce qui imprime à la circulation une composante nord-est, qui transporte sur l’Europe Occidentale de l’air arctique continental sous forme de véritables vagues de froid.
Les afflux d’air froid, associés au front arctique, qui pénètrent sur le nord du territoire européen de l’Union Soviétique, peuvent générer dans ces régions des anticyclones puissants et durables. Ils sont à l’origine des vagues de froid importantes sur des trajectoires de prédominance ENE qui ravagent le centre et l’ouest de l’Europe.
En hiver, le bassin méditerranéen sa partie ouest en particulier, est un lieu privilégié pour la naissance des cyclones au long du front polaire qui, en cette saison, descend beaucoup vers le sud, en suivant le mouvement saisonnier de l’Équateur Météorologique. Ce processus est favorisé par l’existence des gradients thermiques intenses entre le continent froid et la mer chaude. Ainsi les courants froids sont attirés davantage vers la Méditerranée avec des conséquences pour les régions littorales.
L’importance des centres d’action atmosphérique a été reconnue depuis longtemps. En 1937, F. Loewe a attiré l’attention sur la corrélation négative entre les températures enregistrées simultanément dans la partie ouest du Groenland et les régions environnantes de la mer baltique. Ce phénomène s’explique par l’existence des anomalies de pression de sens contraires entre la région d’Islande (anomalies positives) et la région des Açores (anomalies négatives).
Les études de van Loon et Rogers (1978) ont démontré en plus que les anomalies de pression dans la région d’Islande sont corrélées négativement avec celles du nord de l’océan Pacifique et de l’Atlantique Nord en dessous de 50°N, de la Méditerranée et du Moyen-Orient, avec des retombées dans le domaine des températures de l’atmosphère.
Il est ressorti enfin (Moses et al., 1987) que au cours des mois d’hiver où j’oscillation de l’Atlantique Nord (renversement du gradient normal de la circulation atmosphérique dû aux anomalies de pression sus-mentionnées) connaît des valeurs élevées, des baisses importantes des températures sont enregistrées sur l’Europe Centrale et de l’Ouest ainsi que d’importantes précipitations; ce type de circulation est lié au développement des anticyclones de blocage sur l’Atlantique Nord.
* Forçage: action dynamique et / ou thermique exercée sur l’écoulement .
Définition des scénarios-types des vagues de froid
D’une manière générale les événements froids importants qui se distinguent par leur poids et leur durée, se décomposent en trois parties principales: la première et la troisième de nature advective, froide ou chaude, la deuxième (médiane) de nature essentiellement radiative.
Il y a donc au début une advection froide, plus ou moins importante, qui peut dépasser dans certains cas une semaine, suivie, une fois le froid installé, d’une période, habituellement plus longue, pendant laquelle les températures varient aux alentours de certaines valeurs centrales (la nébulosité et la couche de neige jouent un rôle important dans ce processus).
Pendant la phase médiane, il se produit parfois, surtout quand il s’agit des événements de longue durée, des passages frontaux, qui provoquent des fluctuations thermiques assez sensibles, sans modifier pour autant l’aspect général de la période concernée. La partie finale de l’événement est dominée par une advection chaude intense, associée à des passages frontaux qui modifient totalement le paysage synoptique préexistant.
Le saviez vous ?
Sommet nuageux le plus froid jamais observé sur Terre : -109,4°C, détecté par le radiomètre du satellite NOAA-20, lors de la formation du typhon Kammuri le 30 novembre 2019.
Les analyses que nous avons opérées concernant les conditions synoptiques qui déterminent les vagues de froid nous ont permis de les structurer en plusieurs scénarios – type dont les éléments essentiels seront exposés dans ce qui suit. Pour cela nous avons choisi plusieurs cas de référence ayant valeur de type.
Les types I et II concernent des événements de longue et de moyenne durée ayant des poids importants, liés essentiellement au comportement des centres d’action atmosphérique dont nous avons parlé plus haut. Le type III concerne des événements de courte durée associés à un passage frontal. Les phases et les moments importants seront illustrés par des cartes synoptiques en surface et en altitude, sur lesquelles nous avons inscrit, par les symboles habituels, les températures, les vents ou les directions d’advection ainsi que les traces, en surface, des fronts atmosphériques.
Trajectoires des vagues de froid
Nous avons porté sur la figure 2, sous forme de flèches, les principales directions des courants froids en fonction de leur caractéristiques générales et par scénarios-type. Les chiffres romains attachés aux trajectoires donnent leur appartenance aux divers types. Si une direction est commune à plusieurs types, on a mis les chiffres correspondants dans un ordre qui donne l’importance de celle-ci pour les types concernés.
On observe sur la figure 2 une certaine prédominance du secteur nord pour les types I et III et de nord-est pour le type II, surtout dans les régions nordiques. Une tendance à la rotation vers l’ouest se fait sentir plus au sud (sauf pour le type III).
On constate que l’Europe Centrale joue un rôle important dans la dynamique des vagues de froid, en constituant une sorte de carrefour ( figure 2 ). Une fois les masses froides arrivées dans cette région, qui se caractérise d’ailleurs par des températures basses persistantes, elles s’engagent sur des nouvelles trajectoires qui les conduisent vers l’océan Atlantique ou la mer Méditerranée, conformément au contexte synoptique. Elle joue donc un rôle de charnière entre la circulation des hautes latitudes et celle des moyennes et basses latitudes, pendant les événements froids de grande envergure.
Quant aux vitesses de pénétration des vagues de froid, données en jours successifs sur chaque trajectoire ( figure 2 ) on constate un ralentissement, à partir de l’Europe Centrale vers l’océan Atlantique et le sud de la France, par rapport aux latitudes élevées.
Globalement la progression du froid sur la France se fait du NE (la Lorraine et l’Alsace sont les régions les plus touchées), vers le SO. La région la plus épargnée est la Provence.
– Le front arctique, associé à des familles de dépressions, joue un rôle important dans l’arrivée du froid sur le continent; le front polaire, en combinaison avec les dépressions de l’atlantique et de la Méditerranée facilite sa pénétration vers le sud et le sud-Ouest de l’Europe.
– Le début d’un événement froid important est « annoncé » par une évolution constante, plusieurs jours de suite, de l’ensemble des centres d’action atmosphériques, vers les scénarios – type.
– Si pendant la phase médiane il y a des réchauffements, associés à des passages frontaux qui n’engagent pas des modifications notables des centres d’action, il est probable que le froid revienne et que l’événement continue.
– La fin de l’événement froid coïncide avec la restructuration du contexte synoptique à l’échelle continentale, alors en mesure d’assurer la pénétration massive de l’air chaud, océanique, d’abord sur l’ouest et le sud-ouest, puis sur le reste de l’Europe. Les centres d’action ont tendance à revenir à leurs coordonnées habituelles.
Fig.2 – Trajectoire des vagues de froid, par type de circulations
I – du type I
II – du type II
III – du type III